BIENVEILLANCE

Agir face aux émotions d’un enfant à l’école maternelle

A l’accueil, en classe, à la récréation… A l’école maternelle, la gestion des émotions des enfants est une action quotidienne. Mais comment faire?

L’objectif de cet article est d’apporter des éléments de réponses. Toutefois il est important de comprendre qu’il n’y a pas d’enseignant parfait, de phrase type ou « miracle ». 
Modestement, nous proposons ici des exemples qui peuvent servir de source d’inspiration. 
Selon le moment, l’enfant, l’état de fatigue…, chaque attitude sera différente.

Commençons par un petit point institutionnel : les émotions sont dans les programmes !

  • Dans le cadre scolaire, l’enfant va être quelquefois amené pour « rentrer dans un rythme collectif » à « renoncer à ses désirs immédiats« . Ainsi l’école peut devenir une source de frustration, génératrice d’émotions.
  • Les programmes insistent sur la singularité de l’enfant et des émotions qui lui sont propres. Elles ne sont ni bonnes, ni mauvaises, elles « sont » tout simplement. L’enseignant doit donc apprendre à les accueillir sans jugement.
  • Enfin la maternelle doit permettre à l’élève « d’exprimer verbalement ses émotions ». Elles ne doivent donc pas être étouffées.

Au delà des programmes, savoir agir face aux émotions d’un enfant à l’école maternelle est une nécessité pour son développement et pour construire un climat propice aux apprentissages. Comme l’explique le Docteur Catherine Gueguen, spécialiste des neurosciences affectives, et auteur du livre « Pour une enfance heureuse », avant 6-7 ans le cerveau de l’enfant est totalement immature et extrêmement malléable. Ainsi, l’enfant à l’école maternelle ne peut pas se comporter comme un adulte, il est sujet à de véritables tempêtes émotionnelles que son cerveau ne sait pas encore gérer (et qui ne sont pas des caprices). L’attitude des adultes face à ces dernières va façonner le cerveau de l’enfant, et être déterminant dans son développement.

[embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=M1rBwiQ-wzY[/embedyt]

De plus, un élève perturbé émotionnellement ne peut pas apprendre. Obtenir un climat apaisé est une condition essentielle pour la réussite de tous les élèves. Le schéma simplifié du cerveau présent dans l’excellent guide pédagogique de « La boîte à émotions de Zatou » illustre de façon intéressante la nécessité de porter une attention particulière aux émotions des enfants, car c’est un premier pas vers l’apaisement.

Au rez-de-chaussée, nous trouvons le cerveau reptilien, siège des réflexes. Par exemple, face à un danger, nous fuyons, nous tapons ou nous sommes pétrifiés.
Au 1er étage, le cerveau émotionnel que nous retrouvons chez l’ensemble des mammifères. C’est là que l’enfant va se trouver quand il est perturbé émotionnellement, c’est à dire quand il a une grosse tristesse, une grosse colère, quand il a honte ou se sent découragé.
Au 2ème étage, nous trouvons le néocortex, lieu du langage, de la réflexion, de la pensée abstraite. Les apprentissages à l’école nécessitent d’être régulièrement à cet étage.

L’information importante à retenir : Tant que l’enfant sera au 1er étage, il ne pourra pas entendre le langage du raisonnement. Il est donc nécessaire pour l’adulte de descendre à l’étage où se situe l’enfant et de créer une connexion avec lui, afin de remonter ensuite tous les deux vers le 2ème étage, propice à la réflexion et aux apprentissages.

Pour créer cette connexion nous vous proposons deux étapes :

Ces deux étapes permettent de montrer à l’enfant que son vécu est pris en compte, que son émotion est légitime. Le contraire de cette connexion serait l’étouffement, la négation, l’ignorance de l’émotion de l’enfant qui se caractérise généralement par les phrases suivantes :

Autoriser un enfant à pleurer est essentiel comme l’explique Aletha Solter dans son livre « Bien comprendre les besoins de votre enfant ».. Il faut donner le droit aux enfants de pleurer. Leur expliquer que  pleurer est humain et que les larmes sont bénéfiques pour leur santé, car elles permettent d’évacuer le stress, de digérer les émotions. En tant qu’enseignant, l’écoute, l’accueil des pleurs sans juger, minimiser, ni se moquer est ainsi nécessaire.

L’idée derrière cette première étape, au delà de mettre des mots sur l’émotion, c’est aussi d’essayer intérieurement pour l’adulte de comprendre ce que vit l’enfant. « Quel est son vécu? Que dit-il? » sont les deux premières questions à se poser comme l’explique Isabelle Filliozat dans un livre essentiel : « Au coeur des émotions de l’enfant ».. Dans un souci d’efficacité, nous serions alors tenté de demander à l’enfant « Pourquoi tu pleures? », toutefois cette question est à éviter à ce moment-là car elle renvoie au langage du raisonnement, celui du néocortex au 2ème étage.

Alors concrètement que dire à l’enfant dans cette première étape où nous devons valider son émotion?

Lors d’une perturbation émotionnelle, l’enfant devient très réceptif à tous les signaux qui l’entourent, ainsi il est conseillé d’être le plus calme possible, d’accueillir, sans jugement, à sa hauteur, et d’adopter une voix douce, rassurante et ferme.

La deuxième étape « Faire preuve d’empathie » permet d’intensifier la connexion au premier étage en lui expliquant que nous comprenons sa perception de la situation.  Jane Nelsen dans son livre « Discipline positive » propose également de partager une expérience similaire pour obtenir l’intérêt de l’enfant. C’est en effet une manière efficace de se mettre à son niveau, tout en légitimant son émotion. Un nouveau pas vers le deuxième étage.

Cette connexion en deux étapes est une nouvelle habitude à prendre face à une émotion. Car le plus souvent nous aurions tendance à les « sauter », à les passer rapidement, en allant directement à la troisième : « Donner son point de vue d’adulte ».
Or, rappelons le : tant que l’enfant sera au 1er étage, il ne peut pas entendre le langage du raisonnement. Par contre si la connexion a été réalisée avec bienveillance, l’enfant sera apaisé, il sera alors possible de donner notre point de vue. 

Réaliser la connexion ne signifie pas pour autant approuver le comportement de l’enfant. Un élève qui frappe un de ses camarades en récréation est sans doute en proie à une grosse colère. Émotion légitime, ni positive, ni négative, qui ne doit pas être jugée mais être verbalisée, être considérée par l’adulte lors de la connexion. Mais aller directement à la troisième étape en rappelant la règle sera inefficace car l’enfant à ce moment là n’est pas en mesure de l’entendre.
Donner directement son point de vue d’adulte, éviter la connexion, peut aussi être considéré comme une manière d’ignorer l’émotion, de minimiser ce que l’enfant ressent. Cela ne sera pas sans conséquence sur son estime de soi et ne l’aidera pas à gérer sa frustration. La question à laquelle les enseignants doivent répondre est « comment puis-je l’aider à avoir conscience de ce qui se passe en lui? ».  Les deux étapes de la connexion en aidant l’enfant à identifier, exprimer verbalement ses émotions lui permettront progressivement de mieux se connaître, de « comprendre ses propres cheminements » pour reprendre les termes des programmes. En résumé, l’enseignant aide l’enfant à développer son intelligence émotionnelle, indispensable pour une vie future réussie.

Enfin dans un souci de coopération et d’implication des élèves dans la recherche de solution, levier pour sortir du système punitif  (Lire notre chronique sur le livre « Discipline positive dans la classe » parue en février 2018), une quatrième étape peut venir conclure notre relation avec l’enfant.

Modestement, nous espérons que cet article vous aidera à agir face aux émotions de vos élèves, à prendre conscience combien il peut être bénéfique pour leur développement de les écouter, de mesurer avec eux l’ampleur des tempêtes émotionnelles qui les animent avant de leur rappeler les règles imposées par la vie en collectivité.

L’illustration en haut de l’article a été magnifiquement réalisée par Véronique Bouin.

Des ressources :

Le contenu de cet article sous forme de cartes mentales au format PDF.

Des cartes d’apaisement à proposer à la première étape.

Notre article présentant 10 albums pour exprimer les émotions.

Bibliographie :

Les images et les titres renvoient vers le site Amazon.fr où ces ouvrages sont disponibles à la commande

Jean-Baptiste Martin

Professeur des écoles et conseiller pédagogique généraliste. Passionné par l'éducation positive, les neurosciences, la communication non-violente.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.