ALAIN SOTTO : « RESPECTER L’ÉLÈVE, C’EST S’APPUYER SUR SES RÉUSSITES. »
Depuis 30 ans, Alain Sotto, psychopédagogue, spécialisé en neuropédagogie et en psychologie de la connaissance reçoit des enfants en difficulté scolaire, des parents qui expriment leur inquiétude, voire leur souffrance, face à leur enfant qu’ils ne savent pas comment aider. Il a fondé en 1989 l’Association de Recherches en Neuropédagogie (ARN) et anime le site cancres.com.
Dans cet entretien, il partage des conseils pour les enseignants et les parents.
Selon vous, comment les enseignants peuvent donner envie d’apprendre aux élèves ?
Instruire, c’est avoir la passion de la matière que l’on enseigne. Si les élèves ne le sentent pas, pourquoi feraient-ils l’effort demandé par l’apprentissage, pourquoi feraient-ils même l’effort de seulement s’intéresser. Or la passion est quelque chose de fragile, et à force de répéter les mêmes choses, à force de passer du temps à faire la discipline dans leur classe, les enseignants finissent souvent par la perdre.
Cependant, instruire ce n’est pas seulement transmettre des savoirs à une classe, à un ensemble d’élèves, c’est s’adresser à chacun d’eux et qu’il le sente. C’est établir un contact chaleureux. Si l’enfant se sent reconnu et accepté tel qu’il est, avec ses capacités, ses freins, on lui donne la liberté d’apprendre. La dimension affective au sein de la classe est déterminante pour le présent et le futur de la scolarité de l’enfant, pour son engagement dans le travail.
A contrario est-ce que certaines attitudes, postures d’enseignants ou certains dispositifs pédagogiques peuvent inhiber cette envie d’apprendre ?
Un élève ne peut pas s’investir dans l’apprentissage s’il est en insécurité affective. À l’école comme à la maison. Il faut que se nouent des liens bienveillants entre l’adulte et l’enfant. Sans une qualité d’attachement, l’enfant ne peut pas devenir un élève qui s’investit dans sa construction intellectuelle. Bienveillance, empathie, attachement ne vont pas à l’encontre de la rigueur, de l’exigence. Pour avoir reçu à mon cabinet des enfants ayant eu les mêmes enseignants, j’ai noté qu’aucun d’eux ne s’est plaint de la sévérité. Ce qui leur est insupportable est l’injustice, l’indifférence, l’humiliation des remarques en classe ou sur les bulletins scolaires. Quand un enseignant ne connait pas un de ses élèves ou le méconnait, celui-ci le ressent, il reçoit un savoir privé de vie. Ce savoir ne fait pas sens pour lui.
Quant aux dispositifs pédagogiques, ils doivent se baser sur la curiosité de l’enfant, ce qui l’interroge, l’interpelle, l’important étant moins qu’il réussisse qu’il ait l’envie d’avancer, qu’il ait du désir malgré l’effort à fournir. On doit le laisser avancer à son rythme afin que ne le quittent pas la curiosité et le plaisir, qu’avant d’entrer en primaire, il ressentait à explorer le monde, à le comprendre. Rien de plus frustrant pour l’enfant que les exercices faits et refaits à l’identique où ne lui est laissée aucune chance d’une pensée, d’une réflexion personnelles.
Respecter l’élève, ce n’est pas chercher à savoir s’il a des habitudes de travail visuelles ou auditives, s’il a développé telle forme d’intelligence, c’est s’appuyer sur ses réussites pour qu’il ait confiance en lui, en ses capacités, et que cela lui permette de s’investir dans non seulement ce qui lui est enseigné à l’école, mais ce qu’il peut apprendre par ailleurs. C’est valoriser tout questionnement, toute avancée personnelle même si elle n’amène pas forcement à une réussite.
Comment selon vous doit s’organiser la fin de journée après l’école pour optimiser les apprentissages ?
La journée à l’école est longue, fatigante. Et souvent stressante pour les élèves en difficulté dans une discipline. Le travail à la maison devrait se limiter à retrouver dans sa mémoire les choses importantes apprises ce jour-là en classe, ou les jours d’avant. Malheureusement les élèves croulent parfois sous le nombre de leçons à apprendre et de devoirs à rendre. Alors il importe que le travail à la maison se passe sans tension. Seul un climat serein permet l’ attention nécessaire à un travail mental, à la mémorisation, à la réflexion.
Ce qui peut poser un vrai problème est l’attitude des parents quand ils finissent par accueillir à la maison leur enfant/élève, et qu’il délaisse leur enfant. Une plainte est récurrente : l’impression pénible, voire douloureuse qu’ont de nombreux enfants qu’une seule chose importe à leurs parents, les notes qui sanctionnent leur travail, également la place que prend le scolaire au sein de la famille au détriment d’autres échanges, d’autres partages.
Comment les parents peuvent-ils aider leur enfant à entretenir le goût pour l’apprentissage ?
C’est porter sur l’enfant un regard positif malgré les difficultés qu’il peut rencontrer. En effet ce que pensent les parents influence leur comportement à son égard, et cela se répercute sur sa motivation, sur le plaisir -si complexe – que donne l’effort, la constance, choses nécessaires dans l’apprentissage.
Aider l’enfant à se construire intellectuellement, c’est surtout ne pas tout baser sur la réussite scolaire, sur les notes, et accepter un apprentissage où entrent lenteur et approfondissement du savoir. C’est encourager son autonomie, sa curiosité du monde, son esprit critique. C’est aussi laisser de l’espace aux expressions culturelles, à l’imagination, au temps.
Alain Sotto vient de publier avec Varinia Oberto, pédagogue et écrivain un nouveau livre
Le beau métier de parent.
Disponible sur Amazon
Le beau métier de parent.
Disponible sur Amazon
***
Alain Sotto et Varinia Oberto sont également les auteurs de Donner l’envie d’apprendre
En savoir plus sur Ecole Positive
Subscribe to get the latest posts sent to your email.
Merci pour cette interview de ce monsieur bien intéressant. Et félicitation pour ce nouveau site auquel je souhaite un beau succès !
De rien Luc.
Merci pour ton message!